Au cœur de la Taïga dans la tribu nomade des Tsaatans (Mongolie)7 min read
Récit photographique d’une immersion chez les derniers éleveurs de rennes nomades de Mongolie : les Tsaatans
Notre périple commence à Moron, au sud du lac Khovsgöl, non loin du point terrestre le plus éloigné des océans. C’est au nord de la Mongolie que le peuple Tsaatan a établi son camp au milieu de vastes prairies.
Nous prenons donc la route dans cette direction avec Bator, notre chauffeur. Les quelques 200km qui nous séparent de « Tsagannuur » prennent plus de 9h à travers les steppes cahoteuses. La pluie a transformé la piste de terre poussiéreuse en une boue glissante éprouvante pour les 4×4 qui se trouvent bloqués chacun à leur tour. Bator nous conduit à travers les plaines dans son ancien fourgon soviétique. Dénué de tout confort, il a le mérite de se frayer un chemin en terrain hostile et ne semble craindre aucun obstacle. Le plafond capitonné nous évite de nous cogner la tête à chaque soubresaut. A plusieurs reprises l’eau s’infiltre dans l’habitacle. Notre chauffeur ne semble pas s’en soucier et continue à passer torrents et gués sans même marquer d’arrêt.
Notre lente progression nous laisserait le loisir de bavarder avec les autres passagers : malheureusement peu parlent anglais.
Après un arrêt auprès des autorités militaires locales, nous obtenons les précieuses autorisations pour entrer dans la dernière réserve naturelle avant la frontière Russe. Nous faisons ensuite halte dans une yourte isolée au milieu de la plaine. La famille qui y réside s’apprête à sacrifier un Yack. La femelle n’a pas mis bat depuis 3 années et commence à devenir un fardeau pour son propriétaire. Il est rare de tuer de si grosses bêtes en été car il est impossible de conserver la viande dans l’aridité et la chaleur des steppes. Les habitants de la vallée se sont passé le mot et toute la viande sera vendue dans la journée
Le lendemain matin nous échangeons la carlingue russe contre des chevaux. A partir d’ici, la piste devient en effet totalement impraticable. Ces difficultés rencontrées pour rejoindre leur camp assure aux Tsataans un mode de vie tranquille loin des routes. Une impression d’immensité saisissante…
Nous entamons notre lente progression vers le camp. La Taïga s’est transformée en un immense bourbier. Les pas des chevaux sont arrachés à la boue.
Après avoir passé un col, une vallée verdoyante s’étale devant nous. Une rivière traverse le paysage. Un groupe de tipis se détachent sur l’horizon. C’est ici que le camp d’été est installé jusqu’au milieu du mois d’août. Il nous aura fallu chevaucher pendant une journée entière avant de l’atteindre.
Une trentaine de familles s’activent ici prenant soin de soin de leurs quelques 600 rennes.
Zaya, notre hôte qui elle parle anglais, nous invite à rejoindre son tipi qu’elle partage avec son mari Olsen et son beau-frère. L’entrée, telle les yourtes traditionnelles Mongoles, est placée au sud. Ici personne ne s’installe au nord, c’est la place des esprits. Ces derniers sont symbolisés par un amoncellement de lanières de tissu et de reliques de chasse. Les terres du nord de la Mongolie sont restées un haut lieu des traditions chamanistes. Les esprits apportent protection aux familles et abondance lors de la chasse.
Zaya s’empresse de nous servir du Tsai, un mélange de thé avec du lait de renne au goût légèrement salé. Le Khuruud, fromage de renne, sèche au-dessus de nos têtes dans le tipi.
Le tipi est très précaire mais l’essentiel se tient là. Un poêle, un lit conjugal, et une planche en bois faisant office de cuisine. Le tipi d’été est plus large que celui d’hiver. Il permet aux familles et aux convives de se tenir éloignés du poêle. Ce sera notre foyer pour les prochains jours.
Nous sommes nombreux à nous regrouper sous le tipi au crépuscule. La viande de yack est rare en cette saison et largement partagée. Les bolées âpres de lait de jument fermenté (airag) viennent arroser le repas.
Le lendemain, nous passons la journée à aider à la vie du camp, entre ramassage de bois et reconstruction de tipis. La traite des rennes est une activité strictement réservée aux femmes.
Les rennes font partie de la famille, ils sont utilisés pour le lait et en hiver pour se déplacer lors de la chasse. Dans la neige, ils sont plus puissants que les chevaux.
Zaya nous explique son destin peu ordinaire. Née à Oulan-Bator, où elle a grandi, elle a ensuite passé 10 années aux Etats Unis avant de poursuivre ses études en Asie. C’est ensuite, au cours de missions en Mongolie, qu’elle rencontre son mari. Elle partage désormais sa vie de nomade depuis bientôt 10 ans.
Olsen profite d’un dîner pour arborer fièrement sa Winchester Russe datant de la seconde guerre mondiale. Il a ajouté une lunette qui lui donne plus de précision lors de ses sorties de chasse hivernales. En hiver, les Tsaatans sont régulièrement confrontés au climat glacial atteignant les -40C. Les hommes partent néanmoins chasser pour des périodes de 2 à 3 semaines. Ils ne reviennent qu’une fois les prises suffisantes. Pendant toute la chasse, ils dorment dehors affrontant froid glacial et intempéries à l’abri de leurs rennes.
Le lendemain, la pluie tombe sans interruption. L’orage gronde dans la vallée.
Nous sommes invités dans un tipi voisin. Une femme dont je ne saurais donner un âge nous explique que le ciel se déchaîne pour se venger des fleurs de la Taïga arrachées impunément par certains Mongols. Le chamanisme est omniprésent dans la vie des Tsaatans et les traditions doivent être respectées pour ne pas réveiller la colère des esprits de la nature.
C’est après cette dernière rencontre nous reprenons nos 2 jours de route à travers les plaines pour rejoindre le lac Khovsgol. Sur le chemin du retour, nous nous installons au bord d’une rivière pour pêcher et camper. Nous profitons de cette dernière soirée pour dire au revoir à nos hôtes et les remercier. La suite de l’aventure nous fera traverser la Mongolie du nord au sud pour rejoindre le désert de Gobi.
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