Mer et ciel au-delà du cercle polaire (Lofoten, Norvège)9 min read
Récit d’une expédition, en solitaire, à la découverte des fjords de la mer de Norvège (Iles Lofoten)
Me voilà à Bodo, légèrement au nord du cercle polaire. Cette petite ville qui borde la mer de Norvège voit partir les bateaux vers les îles Lofoten au nord-ouest. Je profite de cette courte escale pour faire quelques provisions alimentaires avant de quitter le monde urbanisé par la mer ce soir.
La traversée d’un peu plus de 3h me permet d’étudier attentivement la carte pour décider de mon point de chute de ce soir. Le navire accoste peu après 19h30. Le soleil de minuit de la fin du mois de mai m’invite à une ascension tardive. Elle commence légèrement au sud de la ville de A. Je suis seul ici et n’ai croisé personne depuis la fin de ma traversée. Au fur et à mesure que je monte, je longe des lacs qui approvisionnent les villages en contre bas en eau potable.
Après quelques heures de marche, j’entrevois le replat de Monkebu sur lequel décide de bivouaquer. Je marche maintenant depuis plus d’une heure dans la neige, qui recouvre le terrain où je veux planter ma tente… J’opte pour un carré d’herbe encore préservé, cela me permettra de gagner quelques degrés.
Le sol est recouvert d’une herbe épaisse qui ne suffit pas à m’isoler du froid. Je me réveille et ajoute une épaisseur. Ca va mieux et même bien. J’assiste émerveillé à la chute de blocs de glace sur la montagne en face. Ils se détachent dans un grand fracas et viennent s’écraser dans le lac encore gelé en contrebas. L’endroit est isolé mais pas silencieux finalement ! Ces grondements me tirent de mon sommeil plusieurs fois dans la nuit.
Le lendemain matin, je retourne vers le port
Il faut que je saisisse l’opportunité. Il y a un bateau en partance pour l’île de Vaeroy dans la journée. Le prochain n’est que dans quelques jours.
J’arrive en fin de matinée sur l’île à l’extrémité sud des Lofoten. Il y a un seul village de 700 habitants et encore, le dernier recensement date d’une dizaine d’années. A pied, je prends la direction du nord de l’île pour trouver un endroit pour passer la nuit. Je ne croise pas âme qui vive. Je plante mon campement sur une plage isolée. L’île n’est pas très haute, il n’y a donc plus de neige. La température n’excède cependant pas les 10° la nuit. Le vent vient déterrer à plusieurs reprises les piquets plantés dans le sable. Mon poids fera l’affaire pour maintenir la tente en place.
Au réveil je laisse une grande partie de mon équipement sur la plage. J’ai besoin d’avancer plus rapidement aujourd’hui et le poids du matériel reste un fardeau dans un terrain accidenté. Je me rends à Mostad, un village de pêcheurs, abandonné depuis près de 40 ans. Je profite des hauteurs pour prendre quelques clichés surplombant le village niché dans une crique.
Le soir, de retour sur mes pas, je décide de déplacer le campement 2 km plus au sud pour profiter d’une nouvelle vue au réveil. Il est plus de 21h et il fait encore grand jour. J’en profite pour grimper une hauteur en face de moi. La vue là-haut m’offre un panorama superbe sur le reste de l’île et sur un aérodrome abandonné.
Le lendemain je reprends le Ferry en direction Nord pour revenir à la ville de A.
Au menu de l’après-midi, l’ascension du fameux sommet de Reinebringen
La pancarte qui balise l’entrée du chemin met tout de suite en condition. La voie est fortement déconseillée par les autorités locales, l’entrée se fait aux risques et périls du randonneur. Certes il est encore un peu tôt dans la saison et le terrain est partiellement couvert de neige et de boue. Je vois quelques silhouettes sur le parcours, aucune excuse pour ne pas grimper. Je ne regrette pas mon choix, la vue sur la ville de Reine entourée d’une eau turquoise est magnifique.
Après une nuit fraîche dans les environs, je prends la direction du petit embarcadère de Reine. Le plafond nuageux est très bas et un fin crachin tombe. Il ne part qu’une seule embarcation par jour. Je décide donc de reporter mon départ pour l’ouest vers Horseidvika. Cette plage n’est accessible que par bateau et il ne fait qu’une rotation par jour. L’idée de rester bloquer une journée sans abri sous ce temps-là ne m’enchante guère.
Le lendemain sera la bonne. La coquille de noix qui peut transporter jusqu’à 20 personnes me débarque à Kirkefjord. Je gagne l’extrémité ouest de l’île en quelques heures à travers les marécages. Les intempéries d’hier y sont pour quelques chose mais quelle joie d’avoir une immense plage pour soi ! Je suis seul au monde. Les falaises des fjords tombant dans la mer sont toujours aussi impressionnantes Je passe une nuit paisible au son des vagues de la mer de Norvège.
Le lendemain je prends mes précautions pour ne pas manquer l’unique bateau de la journée. En attendant sur la jetée, un homme d’un certain âge vient à ma rencontre. Nous engageons la conversation. Je comprends rapidement qu’il est du coin et qu’il vient de temps à autre se ressourcer loin de tout. Il est né ici, dans ce hameau d’une vingtaine de maison. Aujourd’hui plus personne n’y habite à l’année. L’hiver y est rude et le seul moyen d’accès reste le bateau. J’ai un peu de mal à concevoir l’hiver dans un tel coin. De la neige jusqu’au genou et une nuit polaire qui ne se lève jamais pendant 2 mois de l’année.
Je regagne l’île principale avant de faire route plus au nord. J’atteints le village de Nusfjord. Je comprends tout de suite pourquoi ce village est classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Les maisons sur pilotis surplombent une mer turquoise. Un havre de paix. J’escalade les hauteurs environnantes pour trouver un nouvel angle de vue et profite de l’arrivée d’un vieux gréement. Intrigué, je me rapproche de l’équipage pour en apprendre un peu plus. Il s’agit de « la Fleur de Lampaul », qui a notamment servi dans les campagnes de la fondation Nicolas Hulot. Aujourd’hui il transporte confortablement des touristes de fiords en fjords. Ces derniers sont quelques peu surpris de savoir que je n’ai que ma tente pour passer les nuits entre 0 et 10 degrés. Il suffit d’avoir un bon sac de couchage !
Je passe les quelques jours suivants à remonter vers le nord profitant des vues du haut des fjords et des soleils de minuit successifs avant de mettre un point final à mon expédition dans les Lofoten.