Expédition à chien de traineau à 300km au nord du cercle Arctique12 min read
Récit d’une expédition photographique de 5 jours à chiens de traineau à travers la Laponie Finlandaise au nord d’Inari. Une aventure à l’épreuve du froid polaire.
C’était un rêve : la Laponie dans le pays le plus septentrional d’Europe : de vastes étendues blanches, un ciel clair, un air pur et vif, un terrain de jeu idéal pour la photo. Nous y verrions sûrement des aurores boréales, peut être aussi la faune des pays nordiques. Alors c’est décidé, avec Charles (@vagabondiary) nous partirions en février, sûrs d’y trouver des températures polaires ; encore fallait-il prévoir pour y faire face l’équipement nécessaire pour se déplacer à chiens de traineau : du sac de couchage aux vêtements en laine mérinos, rien ne fut négligé.
L’arrivée chez Tinja et Alex, à 30 km au nord d’Inari (Finlande)
C’est donc, après quelques heures de vol que nous atterrissons à Ivalo. Sur les routes gelées nous progressons davantage vers le nord du pays et, c’est quelque part sur la route reliant Inari (Finlande) à Angeli, le poste frontière entre la Suède et la Finlande, que notre expédition commence vraiment. Nous arrivons chez Tinja et Alex, un havre de paix à plus de 30 km de la première ville habitée.
Trentenaire avec ses mèches blondes dépassant de son bonnet et ses yeux bleus c’est Tinja, qui nous accueille. Elle vit ici, à l’endroit où elle a grandi. La maison de Tinja et Alex borde une rivière gelée en hiver. Sans eau courante ni électricité, ils ont fait ce choix de vie il y a quelques années. Ils vivent seuls entourés de leurs 80 chiens et de quelques chevaux.
Départ de l’expédition
Après avoir eu, de leur part, une explication détaillée sur la façon de guider un groupe de chien et de maîtriser un traineau, nous nous mettons en route. Ce premier matin, nous partageons le traineau à 2 pour nous familiariser avec la gestion de l’attelage. Nous voilà lancés à travers les paysages de glace de la Laponie. Autour de nous, de la neige à perte de vue, une végétation clairsemée principalement composée de résineux et surtout, un silence inhabituel. De nombreux rennes croisent notre route, loin d’être effarouchés par les chiens. Après cette première excursion pour nous permettre de prendre nos marques et de vérifier l’efficacité de notre équipement pour les jours à venir, nous allumons un feu pour nous réchauffer et préparer un déjeuner tardif.
Vie quotidienne au milieu de la Laponie
Nous regagnons ensuite notre « cabane », petite maison perdue au beau milieu de la forêt. A l’entrée dans les lieux, la température est de -10°C. Il va nous falloir un peu de temps avant de pouvoir ôter nos vestes. La priorité est donc de se réchauffer car la nuit tombe vers 15h. A l’aide de nos haches, nous coupons du bois pour allumer un feu dans le poêle à l’intérieur de l’habitat. Il est compliqué de se procurer du papier quand on est au milieu de nulle part. On s’arrange donc pour faire démarrer le feu uniquement avec du bois coupé en fines lamelles.
La cabane qui nous sert de logement ne dispose ni d’eau, ni d’électricité. Une fois le feu entretenu, c’est parti pour 10 min de marche pour nous approvisionner en eau au milieu de la rivière. La rivière n’étant pas très profonde à cette époque, atteindre le milieu est important car cela permet de trouver de l’eau en dessous des 25 cm de glace qui recouvrent la surface. Les instruments nécessaires nous ont été laissés par Tinja et Alex. Il nous faudra 20 min pour arriver à briser l’épaisseur de glace et voir enfin apparaitre l’eau. L’eau nous servira aussi bien pour la boisson que pour tous les autres travaux domestiques. Devant la tâche que représente l’approvisionnement, il nous faudra être économe.
Le soleil s’est couché depuis quelques heures ; avec le feu, nous retrouvons peu à peu une température nous permettant d’agréablement passer le reste de la soirée à lire aux lueurs de nos quelques bougies. Vers 21h, je tente d’affronter le froid. J’espérais apercevoir des aurores boréales mais cette tentative reste infructueuse avec le ciel voilé de nuages.
Premier réflexe au réveil, jeter un œil sur le thermomètre intérieur : 8°C. C’est parfait, preuve que notre poêle en fonte a bien rempli son rôle. Différence saisissante avec la température extérieure qui est tombée à – 25° ! Notre priorité est donc de faire du feu, non seulement pour avoir une température plus supportable, mais aussi pour préparer des thermos d’eau, car, en bouteille, l’eau se transformerait vite en glace.
Nous allons chercher nos chiens et nous préparons les traineaux. Le parcours prévu pour aujourd’hui est d’une quarantaine de kilomètres à travers la « Muotkatunturi wilderness area ». A nouveau, nous traversons des paysages magnifiques et le soleil ne montant pas très haut dans le ciel diffuse une lumière parfaite pour la photographie de paysage.
Certes, les nuits sont longues, mais nous n’avons pas le temps de nous ennuyer car les tâches à accomplir sont prenantes : maintien du feu, repas à préparer, approvisionnement…
Nos hôtes ont mis à notre disposition un logement assez sommaire bien sûr, mais aménagé avec beaucoup de goût, des peaux de rennes et d’autres animaux recouvrent le sol. Ils viennent d’ailleurs nous rendre visite ce soir pour nous indiquer que demain matin nous partirons pour une expédition de deux jours et qu’il faut donc prévoir l’équipement permettant de passer une nuit à l’extérieur.
Campement dans la « Muotkatunturi wilderness area »
A l’aube du troisième jour, nous préparons nos sacs avec tout l’équipement nécessaire pour pouvoir passer deux jours en toute autonomie avec une température qui oscille ce matin-là entre – 20 et – 25° au lever du soleil. Avec cette absence prolongée, nous devons nourrir les chiens restant sur place. C’est à la hache que nous découpons des carcasses de cerfs qui leur servent de nourriture de base. Leur donner des os de taille importante permettra de les occuper un long moment.
Nous partons avec un soleil toujours flottant sur l’horizon. La neige, assez profonde par endroits, ralentit notre vitesse et donne du mal aux chiens que nous devons aider en poussant le traineau. Il nous faudra quatre bonnes heures pour parcourir notre étape et pouvoir établir notre campement.
Nous nous trouvons au beau milieu d’une plaine entourée de monts éclairés par le soleil couchant. Nous commençons par attacher tous les chiens de traineau à une longue chaine reliant 2 arbres. Alex, après avoir déblayé la neige pour préparer un abri autour du foyer, allume un feu afin de pouvoir se réchauffer tandis que la nuit tombe.
Nous montons les tentes en hâte aux dernières lueurs du jour. Cette opération normalement anodine, s’avère bien plus délicate avec des moufles.
Après un diner lyophilisé calorifique, il est déjà 20h. C’est la pleine lune, la nuit est suffisamment claire pour que nous n’ayons pas besoin de lampe. Le spectacle est tout simplement grandiose, quand à l’horizon des aurores boréales se dessinent dans le ciel.
Nous finissons de préparer notre tente avec pour seul tapis de sol une peau de renne. Je n’ai encore jamais testé mon sac de couchage dans des conditions aussi extrêmes. Il a l’avantage de se fermer tout autour du cou créant un cocon hermétique afin que la chaleur ne s’échappe pas. Je ferme ensuite la capuche en laissant simplement un orifice assez grand pour respirer. La peau de renne qui m’isole du sol est malgré tout très froide. Une couche d’air en plus aurait été bénéfique. Malgré quelques réveils, la longue nuit se passe bien.
Le lendemain matin, nous émergeons de nos duvets qui sont entièrement givrés, tandis que la tente est recouverte, à l’intérieur, d’une fine pellicule de glace. Alex a déjà rallumé le feu et m’explique que sans thermomètre, la meilleure façon d’estimer la température est de regarder à quelle distance les gens se tiennent du feu. Il ne doit vraiment pas faire très chaud car pour le petit déjeuner, tout le monde est au plus proche du foyer.
Je m’active en m’occupant des chiens. Il faut les nourrir, nettoyer le camp, préparer l’attelage et les traineaux. Je pars courir un peu pour me réchauffer. La nuit dernière s’est bien passée mais après avoir remis mes chaussures par moins 25, mes pieds ont du mal à se réchauffer et restent engourdis.
Nous nous mettons en route pour le chemin du retour qui s’avère un peu plus technique. Les passages dans la neige fraîche se multiplient et les virages dans la forêt entre les arbres demandent davantage de concentration. Nous sommes encore à deux sur le traineau ; soudain un virage plus serré et nous nous renversons. Je finis avec tout l’équipement la tête dans la neige. Les chiens de traineau continuent quant à eux sans s’arrêter jusqu’à rattraper Tinja. Nous parcourons en marchant les 200m qui nous séparent du traineau. L’attelage de traineau en forêt demande une concentration de tous les instants.
C’est avec un temps radieux que nous regagnons notre campement de base. La « cabane » bien sûr, s’est refroidie et nous accueille avec -5°. Il nous faut donc reprendre les tâches nécessaires pour le chauffage et l’eau. Nous en sommes récompensés par ce soir-là un superbe coucher de soleil.
Arrive, le dernier jour de notre expédition avec chacun son traineau et son propre attelage de 6 chiens de traineau. Grâce au terrain moins accidenté, sur une neige plus dure, notre vitesse est plus soutenue que les jours précédents. Après un trajet d’environ 1 heure 30 nous arrivons au premier village. C’est là que Tinja et Alex ont la possibilité de faire leur lessive. Sans eau courante ni électricité, difficile de faire tourner une machine !
Après une longue traversée sur la glace nous savourons avec plaisir le déjeuner chaud à base de renne qui nous attend.
Cinq jours inoubliables passés sur ces terres de gelées. Avec regret, nous prenons congé de nos deux hôtes que nous n’oublierons pas.
Retrouvez les photos sur instagram : @massivephotography
Le site internet de Tinja et Alex : Siperia
Mon matériel photo : Nikon D750 & Nikon D600 avec 24-70mm 2.8 et 50mm 1.8